Oiseaux et temps profond

Oiseaux et temps profond

Parfois, on est dans l’urgence d’écrire. On tient un sujet, on veut mettre tout de suite en mots et par écrit ces idées et ces phrases qui nous viennent. Mais le temps ,parfois aussi, nous fait faire un pas de côté. Nous ouvre une autre porte d’écriture.

La semaine dernière c’était le week-end où je comptais les oiseaux au jardin, dans notre refuge du Colibri. Je les compte souvent, les observe presque chaque jour et surtout le dimanche, mais cette journée était et est un peu plus importante du fait de la collecte du nombre d’oiseaux observés, sur un site dédié.

C’est donc tout à fait naturellement, après ce week-end, que j’ai eu envie de réaliser un collage sur ces petites bêtes ailées qui s’agitent derrière mes fenêtres et qui m’apportent des moments de rien où je peux me poser moi aussi sur ma branche. C’est donc tout aussi naturellement que je me suis interrogée sur l’évolution des espèces dans notre environnement proche et de façon plus large en France. Même si mes comptes étaient dans l’ensemble assez similaires à mes observations de l’an passé, avec des bonnes surprises ( trois tourterelles turques et un pic-vert qui vient plus régulièrement ) ou de moins bonnes ( pas encore de traces de troglodytes, ni de sitelles…) mes lectures d’articles de spécialistes dans le domaine de la biodiversité et des oiseaux plus particulièrement m’ont un peu assommée. La biodiversité s’effondre, partout en France, en Europe, dans le monde. Nous vivons une sixième extinction de masse, là sous nos yeux ( ou peut-être pas assez en fait, c’est sans doute là le problème ) et je me suis sentie impuissante et bien triste, comme souvent lorsque je vois ou entends parler de sujets concernant la faune et la flore qui disparaissent bien trop vite. Imaginez un peu : l’extinction que nous connaissons est 100 fois plus rapide que les extinctions de masse qui ont eu lieu il y a des dizaines de millions d’années.

Nos oiseaux du jardin dans nos haies et sur nos arbres cachent-ils l’avancée d’un désert ? d’un monde sans trilles et chants si bienfaisants pour l’oreille et l’esprit ? d’un monde creux qui ne résonne plus ?

Je m’étais donc fendue d’une mission à travers mes mots et mes photos, de rendre compte de la réalité, de crier mon désespoir et ma colère face à l’inaction de toutes sortes de gens, hauts perchés, sur les branches du pouvoir.

Les jours ont passé. Une lecture est venue à moi. Une réflexion autre. Une autre porte d’écriture.

Et si je parlais plutôt de la gratitude d’avoir observé ces oiseaux, de pouvoir les regarder vivre dans notre jardin au quotidien ?

Parce que dans ce livre ( de Pablo Servigne pour ne rien vous cacher ) des mots ont fait écho à cette colère, cette impuissance.

Voilà pourquoi je voulais écrire ou retranscrire ce qu’il dit du « temps profond », ce temps nécessaire pour prendre du recul dans l’urgence, dans la nécessaire obligation d’agir vite, maintenant, si on veut pouvoir continuer de vivre sur cette planète.

Parce qu’il parle d’effondrements, parce qu’il parle de nos sociétés qui ont perdu certaines valeurs, d’entraide, de coopération, de paix… Parce qu’il parle de catastrophes annoncées, depuis des lustres, de changements bouleversants et profonds de notre monde, il parle aussi de cette impérieuse nécessité à nous ménager, à nous donner la possibilité de nous faire sentir vivants, vivants ensemble, dans un monde vivant.

Il parle donc de Temps profond.

«  Le premier cadeau du temps profond , c’est de pouvoir saisir ces petits ralentissements qui ressourcent. C’est s’immerger au quotidien dans cette puissance du Vivant qui fait du bien. Rencontrer chaque jour les autres espèces un peu plus finement, émerveille et apaise. Le temps profond est crucial à explorer surtout lorsqu’on est dans l’urgence permanente. Il permet de prendre du recul. L’idée, c’est de retourner vers l’histoire du vivant sur Terre et d’écouter ce qu’elle nous apprend. »

Dans ces petits ralentissements qui ressourcent, vous l’aurez compris, il est tous ces moments posés à regarder voler , nicher, vivre les oiseaux, du jardin et de notre campagne alentour. Quel bonheur d’entendre les buses, de les regarder, de les apercevoir, ainsi que les éperviers, les chouettes parfois ( même si c’est bien plus rare ). Quelle joie de découvrir qu’un nichoir est habité, qu’un nid se construit. Chaque observation est une victoire, un gain de vie, une chance de continuité.

Nous nous devons de préserver des espaces ainsi protégés. Nous nous devons de faire connaître la vie de ces oiseaux, de ces insectes, de ces animaux qui tentent de survivre dans un monde où certains n’ont pour seule boussole que le profit et la destruction d’espaces pour toujours plus avoir et posséder.

Avec Pablo Servigne, je ne rêve que d’une boussole dont le nord est la Joie. La joie de se sentir à sa place, acteur et actrice de choses qui ont du sens. La joie de partager ensemble nos vies, d’être présents . Il nous faut aller la chercher dans toute occasion cette joie, sinon on dépérit.

Je suis heureuse d’avoir eu l’occasion de faire ce collage, de prendre ces photographies, d’avoir écrit ces mots, d’avoir lu ces lignes qui m’ont à la fois fait frémir mais m’ont donné aussi de l’espérance.

Je serai heureuse de vous lire également si ces mots-collage vous ont donné à réfléchir et à partager avec moi votre sentiment.

Au plaisir de vous lire ou de vous proposer un autre collage ou d’autres mots !

8 commentaires sur “Oiseaux et temps profond

  1. Coucou.
    Pour ma part je suis dans l’urgence d’écouter, observer, je regrette tellement toutes ces années perdues à passer à côté de la nature, certainement parce que j’y suis née à la campagne, j’y ai vécue, longtemps, ces choses là étaient acquisent, jusqu’au confinement, heure à laquelle j’ai entendu de nouveau les oiseaux en ville. Pas de circulation… Donc… Ils chantaient plus fort!!
    Comme une claque! Ils sont là, je les avais oublié.

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    1. Il est tellement heureux et jamais trop tard de se rendre compte à quel point nous sommes lié.es au Vivant. Observer, découvrir, chaque jour, à chaque saison et chaque année de nouvelles espèces, s’enrichir est une force pour demain. Parfois et même souvent, les « claques » ont du bon…elles nous font nous remettre en mouvement. Merci pour tes mots et ce retour. Belle après midi ! 💚🐦

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  2. 👋Marie .. en ce qui concerne les sittelles .. nous en avons un couple dans le jardin .. mais à priori moins de mésanges nonnettes .. en ce qui concerne les mésanges charbonnières elles paraîtraient un peu moins nombreuses cette année🤔.. .. A suivre donc … bises à toi et encore merci pour tes collages et tes magnifiques photos.

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    1. Merci à toi pour ce retour détaillé de tes oiseaux….je pense que les sitelles vont revenir, pour les mésanges il y a en effet une hausse nationale des mésanges bleues, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle mais bon…continuons de leur offrir refuge et plantes pour se nourrir…. c’est essentiel !!! Merci pour tes mots 💚🐦 à très vite !!

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  3. Entre temps profond et urgence d’agir .. c’est ainsi que je me sens ! Entre connection intense au vivant et cri d’alerte pour faire réagir, réfléchir…
    Garder l’équilibre, et l espoir de préserver notre biodiversité qui s’effondre .. ici au happy jardin et en 3 ans les oiseaux sont moins nombreux, les espèces moins diversifiées…. et cela me rend tellement triste. .
    À très vite mon petit pois 💕

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    1. Oui c’est exactement cet équilibre fragile mais nécessaire et vital décrit si bien par Pablo Servigne dans lequel je me suis vraiment retrouvée et qui m’a donné un autre angle d’écriture… j’étais partie pour donner des chiffres et des données de la LPO et du musée d’histoire naturelle, pour sortir cette tristesse de ma tête et crier mon impuissance… et cette approche du temps profond m’a offert la possibilité d’écrire autrement ….et d’être certaine que nos refuges sont de précieux endroits pour la biodiversité….💚🐦 À très vite…notre petit moment de discussion tout à l’heure, m’a rappelé à quel point cela m’avait manqué….😘

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  4. Bonjour Mary,
    Nous avons dans le jardin un couple de mésanges qui revient chaque année faire son nid dans le nichoir.
    Nous avons cette année, un couple de rouge-gorge, puis un couple de tourterelles. Tout ce petit monde cohabite avec le merle. Je les regarde depuis ma fenêtre et je leur donne des graines et des boules de graisse.
    J’ai écrit des petites histoires sur eux sur mon blog.
    C’est très relaxant de pouvoir les regarder tout comme voir la nature changer à chaque saison.
    Bonne continuation.

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    1. Merci pour ce joli retour, c’est en effet une chance de savoir que le vivant peut nous apporter des moments de sérénité, malgré tout…en le protégeant, en l’observant, on prend conscience de nos liens profonds… j’irai avec plaisir découvrir ces petites histoires… belle fin de journée !

      Aimé par 1 personne

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